Interview de Julien Broual


Julien, maraîcher-coordinateur salarié de l’Archipel

Qui es-tu, Julien ?

J’ai 26 ans. Je suis originaire du Loiret et après avoir suivi plusieurs diplômes dans le monde de l’animation, de la littérature anglaise et finalement du maraîchage avec un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d'Entreprise Agricole) validé en 2018, j’ai effectué 2 saisons dans la région d’Orléans. En Avril 2021 j’ai décidé de partir faire un tour de France de 25 fermes en maraîchage bio, surtout en Normandie-Bretagne. Dans le Sud-Est, j’ai eu tout le loisir d’être confronté à ce que j’avais appris et pensais savoir sur la réalité du terrain. J’ai ainsi peaufiné ce projet d’installation qui me tenait à cœur depuis si longtemps.
J’ai ensuite été embauché comme maraîcher communal à Kembs depuis janvier 2022 pour monter le tiers-lieu de l’Archipel et la régie agricole municipale.
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Tu cultives donc le terrain mis à la disposition par la mairie dans le cadre du projet Archipel. Quelles techniques mets-tu en œuvre ?

Nous mettons en œuvre des techniques de maraîchage bio intensif en agro-foresterie, avec un travail du sol très léger aussi appelé « maraîchage sur sol vivant ». Très concrètement cela veut dire que nous mélangeons des cultures pérennes (arbres fruitiers, fruits rouge) avec des cultures annuelles (des légumes principalement) sur des planches de 50 mètres, cultivables avec un tracteur et standardisé.
Nous travaillons des sols sablo-limono-argileux très équilibrés et relativement riches. Nous passons donc par un apport important de matière organique puis une occultation longue pour transformer la prairie en sol maraîcher. Ensuite, nous couvrirons le sol avec des bâches et planterons les cultures assez serrées et presque sans travailler le sol.
Dans la partie pédagogique de la ferme, nous pourrons avoir des mandalas, des buttes et plusieurs itinéraires techniques serons utilisés (terre nue, binage, et semis sur lit de compost). Ainsi, les enfants pourront mettre les mains dans la terre et juger de leurs propres chef les techniques employées.

Comment es-tu « entré » dans ce projet de l’Archipel, en arrivant « de l’extérieur » ?

Assez facilement, mon arrivée était attendu et une bonne partie du projet avait été débroussaillé par l’équipe. Il m’a ensuite fallu rencontrer tous les acteurs du projet : la mairie, les bénévoles, les écoles, les fournisseurs, etc.
Nous avons, en utilisant des outils d’intelligence collective, monté le projet en dessinant les plans des jardins et des bâtiments. Il a fallu tout budgétiser, compter, cadrer. Je me suis approprié les rêves de l’équipe et je les ai passé à la moulinette du réel, pour arriver au projet que nous réalisons actuellement.
Notre projet est pensé pour durer. Je m’y vois pour une dizaine d’années au moins.

Quel est le déroulé type d’une semaine à l’Archipel ?

Actuellement, dans la phase de montage de la ferme, il n’y a pas une semaine qui ressemble à une autre. Dans la même journée j’enchaîne des semis, des plans de bâtiments, des montages de structure financier. C’est très complet, il faut savoir faire un peu de tout.
La phase d’exploitation devrait démarrer dans quelques mois, quand une personne aura été embauchée pour la partie pédagogique et une autre pour la vente.
En rythme de croisière, 2 jours de travail devrait être dédiés aux récoltes et conditionnement, 2 jours pour l’entretien des cultures, et la dernière pour la coordination de projet et la recherche de financement.

Espères-tu que le projet de l’Archipel inspire d’autres projets ailleurs ?

Bien sûr. C’est pour échanger entre territoires que nous nous inscrivons dans le Mouvement Colibris et dans le réseau des Territoires d’Expérimentations. Nous sommes adhérents de l’Association « Un plus bio » qui fédère des collectivités locales engagées dans la transformation des politiques publiques de l’alimentation, en particulier au niveau de la restauration collective des écoles et maisons de retraite.
Je suis également membre d’une Association pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural (ADEAR) et de l’Organisation Professionnelle de l’Agriculture Biologique (OPABA) en Alsace. Dans ces différentes associations, il faudrait qu’on parle davantage des statuts de maraîchers salariés, et que davantage de communes créent leur ferme biologique pour leur restauration collective et pouvoir mettre en avant l’aspect pédagogique de ces projets.


Propos recueillis par Lucie Roba en service civique au sein du Mouvement Colibris et Jean-Christophe Sarrot responsable du réseau Wresinski emploi d'ATD Quart Monde

Publié le 23/02/2023